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nicolas gauthier - Page 26

  • De la perte du sens des mots...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la perte du sens des mots et l'instauration progressive d'une novlangue orwellienne...

     

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    Vous vous êtes déjà exprimé sur Boulevard Voltaire à propos de la langue française. Vous en avez souligné le déclin et, surtout, les mauvais usages. Dites-en plus…

    Kŏngzĭ, alias Confucius, disait : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. » La perte du sens des mots fait partie de l’effondrement général des repères qui caractérise notre époque. D’où l’importance des définitions. Si l’on ne s’accorde pas sur ce que les mots désignent, il n’y a plus de débat possible, mais seulement un dialogue de sourds. Beaucoup de nos contemporains emploient déjà un mot pour un autre, ce qui traduit leur confusion mentale. Mais les mots sont aussi des armes, et le flou sémantique en est une autre. Il vise avant tout à discréditer ou à délégitimer. Employés de façon systématiquement péjorative, certains mots deviennent des injures (populisme, communautarisme, par exemple). La novlangue orwellienne alimente les polémiques à la façon d’une technique d’ahurissement. On ne peut répondre à cette dérive qu’avec une exigence de rigueur.

    Alors, prenons quelques exemples. « Extrême droite » ? En quoi est-elle extrême ? En quoi est-elle de droite ?

    Il y a chez les politologues deux écoles pour traiter de l’« extrême droite ». Les uns y voient une famille « extrêmement de droite », qui se borne à radicaliser des thématiques attribuées à tort ou à raison à la droite. Les autres préfèrent l’analyser à partir de la notion d’extrémisme, ce qui ne fait guère avancer les choses car cette notion est elle-même problématique (où commence-t-elle ?). Dans le discours public actuel, l’« extrême droite » est un concept attrape-tout, dont l’usage ressortit à une simple stratégie de délégitimation. Il est évident que, dès l’instant où l’« extrême droite » peut aussi bien désigner un sataniste néonazi qu’un catholique réactionnaire, un gaulliste souverainiste et un nostalgique de Vichy, un adversaire de l’avortement et un partisan de l’eugénisme, un national-bolchevique et un contre-révolutionnaire, un monarchiste et un défenseur convulsif de la laïcité, une telle expression est vide de sens. Elle n’a aucune valeur heuristique, phénoménologique ou herméneutique. À ceux qui l’emploient, il faut seulement demander quel contenu ils lui donnent, à supposer bien sûr qu’ils soient capables de le faire. La plupart en sont incapables.

    Antifascisme sans fascistes ? Ce dernier est mort depuis 1943 avec le putsch du maréchal Badoglio. On continue pourtant à nous faire peur avec…

    Il n’existe aucune définition scientifique du fascisme qui fasse l’unanimité chez les spécialistes. En toute rigueur, le mot ne s’applique qu’au ventennio mussolinien et, par extension, aux mouvements des années 1930 qui ont cherché à l’imiter. Le nazisme, fondé sur le racisme et l’antisémitisme, qui furent étrangers au fascisme jusqu’en 1938, constitue un cas tout à fait à part. La désignation du mouvement hitlérien comme « fascisme allemand » appartient à la langue du Komintern, c’est-à-dire de Staline. Bien entendu, on ne peut parler des « idées fascistes », ni les stigmatiser, sans en avoir lu les principaux théoriciens : Giuseppe Bottai, Giovanni Gentile, Carlo Costamagna, Berto Ricci, Alfredo Rocco, Ugo Spirito, Sergio Panunzio, etc. Le fascisme associe des thématiques qui ne lui appartiennent pas en propre (et qui me sont pour la plupart totalement étrangères), mais ce qui lui appartient en propre, c’est de les avoir réunies d’une manière spécifique. Le plus important est de bien voir qu’il est lié à une époque. Indissociable de l’expérience des tranchées, caractéristique de l’ère des masses, le fascisme n’est pensable que sous l’horizon de la modernité. Né de la guerre (la Première Guerre mondiale), il est mort de la guerre (la Seconde). Son souvenir peut susciter ici ou là des nostalgies pittoresques, comme l’épopée napoléonienne ou la résistance des Chouans, mais il n’est plus d’actualité à l’époque postmoderne.

    Le « fascisme » est devenu aujourd’hui un mot passe-partout, susceptible lui aussi de désigner n’importe quoi : fascisme vert, fascisme rose, sans oublier le fascisme islamique (l’« islamo-fascisme », pour parler comme les néoconservateurs américains qui ont créé cette chimère). On a même inventé des dérivés comme « fascisant » ou « fascistoïde ». Les Allemands parlent à juste titre de Gummiwort, de « mot-caoutchouc ». Quant à l’« antifascisme », qui prête à sourire, sa principale différence avec l’antifascisme des années 1930, c’est qu’il est absolument sans danger. Se dire antifasciste à l’époque du fascisme réel, c’était prendre un risque sérieux. Aujourd’hui, c’est un excellent moyen de faire carrière en s’affichant d’emblée comme un adepte de l’idéologie dominante. Il y a quelques années, voulant protester contre des expulsions d’immigrés clandestins, des hurluberlus étaient venus manifester près de la gare de l’Est en pyjamas rayés. Ils ressemblaient moins à des déportés qu’à des zèbres.

    Tout « anti » court par ailleurs le risque de tomber dans la spécularité. Pierre-André Taguieff a bien montré comment l’antiracisme manifeste une propension certaine à « raciser » les racistes, réels ou supposés. Il en va de même de l’antifascisme, de l’anticommunisme, de l’anti-islamisme, etc. Comme le disait en substance Aristote, il n’y a de contraires que du même genre. On devrait méditer pendant quelques heures sur cette observation.

    Anticommunisme sans communistes ? Même punition, même motif… Là, le « socialo-communisme » fait frémir les lecteurs du Figaro. Mais c’est un peu le même théâtre d’ombres…

    Le fascisme est en partie né d’une réaction au bolchevisme. L’époque des communismes est comme celle des fascismes : elle est derrière nous. Le Parti communiste français est devenu un parti social-démocrate, et le « dernier pays communiste du monde », la Chine, est aujourd’hui l’un des agents les plus actifs du capitalisme mondial. On peut même se demander si ce pays a jamais été vraiment communiste et si le maoïsme n’a pas été avant tout un radical avatar du vieux despotisme asiatique. Se dire aujourd’hui fasciste ou antifasciste, communiste ou anticommuniste, c’est avancer en regardant dans le rétroviseur. C’est surtout se tromper d’époque et, de ce fait, rester aveugle aux problématiques qui s’annoncent. Les militaires ont une invincible tendance à concevoir les prochaines guerres sur le modèle de celles qu’ils ont connues. Les civils ont du mal à penser un monde où ils n’ont jamais vécu. Il n’y a pire défaut pour quiconque veut entreprendre une action sociale ou politique que de n’avoir pas conscience du moment historique qui est le sien.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er août 2013)

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  • Débat pour tous !...

    Alors que le phénomène de la Manif pour tous semble doucement s'épuiser, l'heure est sans doute venue de réfléchir au bilan de ce mouvement atypique qui a réussi à mobiliser de nombreux Français, sans pour autant atteindre son objectif, le retrait de la loi Taubira. De sa position surplombante, quelque part sur Sirius, Alain de Benoist s'est essayé à l'exercice sur Boulevard Voltaire. La réaction du "terrain" à ses analyses ne s'est pas faite attendre avec un papier vif signé par la plume alerte de Gabrielle Cluzel. Un papier qui a lui-même provoqué une réponse du journaliste Nicolas Gauthier... Le débat est ouvert ! Bonne lecture...

     

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    On ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés

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    Indubitablement, la Manif pour tous a suscité de nouvelles formes de protestation, à base de réseaux sociaux, à l’instar d’autres « printemps » ou de « révoltes » tout aussi informelles, tels les « Indignés » ou les « Occupy Wall Street ». Quelles leçons en tirer ?

    La Manif pour tous a été un grand succès et un incontestable échec. Le succès d’abord : ce n’est pas tous les jours que l’on parvient à mobiliser un million de personnes des deux sexes et de tous âges. Personnellement, j’aurais préféré en voir dix millions protester contre la dictature des marchés financiers et le crétinisme de la marchandise (on peut toujours rêver), mais ce n’est là qu’une opinion personnelle. D’une façon générale, on doit toujours soutenir le peuple quand il descend dans la rue pour une raison ou une autre (le mariage homo à Paris, l’augmentation du ticket de bus à São Paulo, un projet de destruction d’un espace vert à Istanbul), que ce soit en France, au Brésil, en Turquie, en Égypte ou ailleurs. C’est le plus sérieux indice du ras-le-bol. Un autre aspect positif, c’est l’apparition, en marge des manifestations, d’un certain nombre de modes de protestation originaux et inédits (les Hommen, les Veilleurs debout, etc.), qui ne se ramènent pas à une simple affaire de réseaux sociaux.

    L’échec n’en est pas moins évident : la Manif pour tous n’a tout simplement pas obtenu ce qu’elle voulait, à savoir empêcher l’adoption de la loi autorisant le mariage gay. Comme cet échec était prévisible, quoi qu’en aient pu dire les naïfs, une stratégie alternative s’imposait. On n’en a pas vu l’ombre. Tout ce à quoi l’on a assisté, c’est au sommet à des crêpages de chignons et à la base des proclamations du genre « On ne lâchera rien ». Mais lâcher quoi ? Quand on n’a rien obtenu, il n’y a rien à lâcher. Alors, on harcèle, on houspille, on fait siffler les oreilles du chef de l’État le 14 juillet, autant dire pas grand-chose. On rêve d’un « sursaut national » (hop, un sursaut !), comme on le fait depuis plus d’un siècle. Pour le « Printemps français », on repassera. La droite, de ce point de vue, ne changera jamais. Plus réactive que réflexive, elle ne sait marcher qu’à l’enthousiasme ou à l’indignation. Déterminer une stratégie révolutionnaire est au-delà de ses forces.

    Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans la nébuleuse anti mariage pour tous ? Son homogénéité sociale ou ethnique ? Son discours politique attrape-tout ? Ou sa réticence à renverser la table ? Bref, avons-nous affaire à de véritables révolutionnaires ?

    À des contre-révolutionnaires, plutôt. C’est-à-dire à des gens qui laissent régulièrement passer les trains pour ne pas faire la « politique du pire ». La plus grande erreur des organisateurs de la Manif pour tous a été d’accepter docilement de ne pas envahir les Champs-Élysées quand un million de personnes étaient prêtes à le faire. Débordant la simple réponse aux antifa(mille), la Manif pour tous aurait alors pu prendre une véritable dimension insurrectionnelle. Ce qui aurait au moins empêché la police de truquer les images et les chiffres. Mais on ne fait pas la révolution avec la « France tranquille » des pousseurs de poussettes et des gens bien élevés. On ne fait pas une révolution quand on n’a ni programme ni conception du monde à proposer. C’est pourquoi, plutôt que de chercher à renverser le pouvoir, on est allé chercher le soutien de Raffarin et de Copé. Dès lors, la messe était dite. La Manif pour tous a éveillé des consciences, elle n’a pas structuré les esprits.

    Pas de semblant de révolution sans quelques martyrs. Là, ce fut Nicolas Bernard-Buss. Sa peine de prison était évidemment disproportionnée, mais l’émotion de ses défenseurs ne l’était-elle pas un peu également ? Comme si le vide du pouvoir allait de pair avec le flou des revendications des manifestants ?

    On a bien entendu eu raison de protester contre l’incarcération du jeune Nicolas, et contre la généralisation du deux poids, deux mesures. Le mécanisme est d’ailleurs bien rodé. Il suffit de traiter les gêneurs de « fascistes » pour permettre la mise en œuvre du programme, que Laurent Joffrin proposait en toute bonne conscience dans Le Nouvel Observateur du 13 juin dernier, de « réserver aux fascistes (…) la vigilance quand ils se taisent, la dénonciation quand ils parlent, la prison quand ils agissent ». Vigilance-dénonciation-prison : un triptyque à retenir. À ce compte-là, quand Mélenchon traite François Hollande de « capitaine de pédalo », on finira par y voir des allusions homophobes ! Cela dit, on peut protester énergiquement sans tomber dans le délire ou la paranoïa. Dire que Nicolas sera « traumatisé à vie » pour avoir fait trois semaines de taule n’est pas flatteur pour lui : je l’espère quand même capable d’en voir d’autres ! Je reçois régulièrement des courriels affirmant que nous vivons aujourd’hui quasiment dans un régime totalitaire soviétique, ce qui est un peu ridicule (tout courriel comportant des séries de points d’exclamation va chez moi immédiatement à la poubelle). Certains devraient se souvenir que, dans bien des pays, quand on est gardé à vue, on a aussi de bonnes chances d’être tué, torturé ou violé. On n’en est pas encore tout à fait là.

    Beaucoup de participants de la Manif pour tous, à commencer par la petite bourgeoisie catholique (la « Génération JMJ ») qui en constituait les plus gros bataillons, manifestaient pour la première fois. Il leur en est resté le souvenir d’une excitation qui va de pair avec une certaine ingénuité. Ils déclarent fièrement qu’ils ont été « gazés », comme s’ils avaient eu à respirer du gaz sarin ou du Zyklon B. Pour ma part, j’ai dû prendre dans ma vie une bonne trentaine de giclées de lacrymogène dans la figure sans y voir autre chose que la conséquence logique de ma présence dans une manifestation ! Au moins ces néophytes ont-ils découvert que les gentils policiers « qui sont là pour nous protéger » savent aussi se servir de la matraque. Si cela leur a permis de comprendre que lorsqu’on s’attaque à l’ordre en place (qui n’est le plus souvent qu’un désordre établi), les forces de l’ordre sont des forces ennemies, ce sera toujours cela de pris.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 15 juillet 2013)

     

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    La France bien élevée vous emmerde !

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    Mais que cherchent au juste ceux qui, sur Boulevard Voltaire, à l’instar d’un Alain de Benoist, raillent, méprisent, minimisent (en faisant mine de le soutenir) le grand mouvement de cette année, et prophétisent sa fin depuis des mois, comme s’ils l’espéraient ?

    Ils l’appellent la manif des bisounours, des cuculs, des neuneus, des benêts, des trop polis, des naïfs, des ravis de la crèche, bref des cathos qui n’ont rien compris. Ils leur font la leçon, expliquant doctement, ah, là, là, que ce n’était pas du tout comme ça qu’il fallait faire, qu’ils s’y sont pris comme des pieds, que d’ailleurs, c’était perdu d’avance, qu’emmanchés comme ils sont, on ne fera jamais rien d’eux, surtout pas une révolution, bref que tout cela n’a servi à rien, que c’était juste la manif pour les nuls. Fermez le ban.

    Je lis, par exemple, que l’on ne fait pas la révolution avec des poussettes. Dois-je rappeler qu’on ne la fait pas non plus sans poussettes ? Car le propre d’une poussette est de voir, à terme, le contenu s’échapper du contenant… pour aller gambader, par exemple, quelque vingt ans plus tard sur les Champs-Élysées vêtu d’un polo rose La Manif pour tous. L’arme fatale du camp catho contre le camp bobo, pour reprendre la terminologie du dernier Causeur en kiosque, a été sa jeunesse, en nombre, que personne n’avait vu venir, sans soupçonner, bizarrement, que l’accueil de la vie prôné par l’Église à rebours de la société depuis des dizaines d’années finirait par porter ses fruits démographiques. Les cortèges de La Manif pour tous étaient peuplés de familles nombreuses, cela n’a échappé à personne. Les contempteurs de La Manif pour tous sur ce site lui reprochent souvent, à trop s’occuper du mariage gay, de ne pas voir « le grand remplacement ». Et pourtant, quelle meilleure façon, quelle façon plus vitale, plus féconde que bien des longs discours, d’œuvrer contre celui-ci, que ces petits enfants ?

    Ensuite, s’apitoyer sur le sort de Nicolas qui a fait trois semaines de taule serait bien ridicule. Cette bande de chochottes ! La prison est une promenade de santé, sans jeu de mots, une « expérience », a dit Ségolène Royal, avec le même sourire condescendant que certains sur ce site, et ce sont ceux qui n’en ont jamais fait qui en parlent le mieux. Quand Nicolas se réveillait dans sa cellule de Fleury-Mérogis, quand certains passaient la nuit en garde à vue, d’autres dormaient benoîtement dans leur petit lit blanc.

    Oui, je me prends à me le demander, quel objectif poursuivent donc ces contributeurs qui affirment — du bout des lèvres — se réjouir de ce mouvement sans précédent, mais jettent sur lui leurs critiques asséchantes comme du sable pour éteindre le foyer ?

    S’ils savent tout mieux que personne depuis le début, que ne font-ils œuvre de pédagogie par une analyse constructive et en renforçant leurs rangs, plutôt que rester à l’écart pour mieux les écraser de leur supériorité distanciée empreinte de désespérance ?

    Ne craignent-ils pas que cette France qu’ils ont décrétée consubstantiellement niaise, impropre par nature au service, finisse, malgré toute sa bonne éducation, par s’asseoir sur le bord du chemin pour leur demander des comptes : super, les gars, les éminences grises, les inspecteurs des travaux finis plus malins que les autres ; ben maintenant, on vous regarde : où se cache donc le million de gens que vous avez réussi à faire descendre dans la rue, la jeunesse (mal élevée, forcément, pour être efficace) rentrée en résistance qui harcèle le gouvernement, sans craindre l’opprobre pour défendre ses idées ? En plus d’être gnangnan, cette France-là doit être myope, hein, car elle a beau chercher, elle n’arrive pas à les voir, même en remontant loin en arrière. On ne fait peut-être pas la révolution avec la France bien élevée, on ne la fait pas non plus avec la France des éteignoirs et des bonnets de nuit.

    Je ne sais pas, encore une fois, quel objectif poursuivent ces contributeurs, mais je sais que ce n’est pas celui de l’unité, de l’unité pour mener sur tous les fronts le combat de civilisation dans lequel la France — bien élevée ou non — est engagée.

    Gabrielle Cluzel (Boulevard Voltaire, 17 juillet 2013)

     

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    Eh oui, un intellectuel, ça sert à quelque chose !

     

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    La polémique, pour peu qu’elle soit le fait de gens bien élevés, est toujours un régal de l’esprit. Ainsi, Alain de Benoist, dans un entretien réalisé par votre serviteur, pointe du doigt les faiblesses structurelles du collectif de la Manif pour tous et son échec politique final. En retour, Gabrielle Cluzel s’insurge, nous assurant en filigrane que les intellectuels, c’est bien gentil, mais qu’on ne les a pas beaucoup vus défiler dans la rue ni aller en prison.

    La critique est courte. Car à ce compte, il faut se faire circoncire pour parler des juifs, boursicoter pour disserter du capitalisme et se faire empapaouter pour causer des homosexuels.

    On ajoutera qu’Alain de Benoist ne nie en rien les aspects positifs de la chose : on a vu dans les rues des gens n’ayant guère l’habitude d’y descendre et nombre de jeunes y ont connu une sorte de « rite initiatique ». Qu’ils en rajoutent dans les « persécutions », rien que de très logique, de très humain ; à l’instar de ces soixante-huitards ayant eu un peu tendance à confondre rue de Gay-Lussac et tranchées de Verdun.

    Que feront-ils ensuite de cette expérience, c’est une autre histoire. On nous dit que certains adhèrent à l’UNI, d’autres à l’Action française et même au Front national. Vu la sociologie des manifestants, il y a gros à parier qu’une bonne majorité est déjà partie en vacances au Touquet en attendant d’intégrer de prestigieuses écoles préparatoires. À ce simple constat, il sera évidemment rétorqué à Alain de Benoist qu’il voit les choses de « haut » et le clope au bec. Ce serait pourtant oublier que l’homme s’éveilla à la politique en des temps lointains où la prise de risque était autrement plus dangereuse : à l’époque de l’Algérie française, on risquait plus souvent une balle qu’une giclée de gaz lacrymogène. Eh oui, la hauteur et l’ancienneté donnent du recul…

    Et le même, à juste titre, de houspiller cette droite traditionnelle en quête d’un hypothétique Triangle des Bermudes politique, là où ont disparu des Philippe de Villiers et au moins deux autres Charles, Millon et Pasqua. Soit une droite présentable qui ne sentirait pas trop fort sous les bras, façon Le Pen père et fille. La preuve en est qu’au climax de l’affaire, c’est à Jean-Pierre Raffarin et Jean-François Coppé que nos manifestants pour tous ont fait appel. Finalement, Marine Le Pen a été sage de ne pas s’impliquer plus que ça dans ce happening brinquebalant, préférant laisser monter sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, en première ligne…

    La polémique semblant enfler sur ce site, certains commentateurs évoquent encore les mannes audiardesques : « Un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis… » Certes, mais si c’est pour aller droit dans le mur ou le gouffre, à quoi bon ? D’où cette question induite : à quoi sert un intellectuel ? Et, dans le cas qui nous occupe, quelle est l’utilité d’un Alain de Benoist ?

    Peut-être tout simplement à ceci : près d’une centaine de livres édités et traduits en de nombreuses langues, trois revues, Krisis, Nouvelle École et Éléments, vieilles de près d’un demi-siècle, sans oublier des milliers d’articles et autres entretiens publiés en Europe et ailleurs. Bref, une œuvre hors du commun.

    Après, l’influence d’un intellectuel est délicate à peser à telle ou telle aune. Quelle fut celle d’un Charles Maurras ? Le général de Gaulle et François Mitterrand l’avaient manifestement lu et ce ne fut pas sans effets. Celle d’un Alain de Benoist ? Il est plausible de rappeler qu’elle est majeure depuis les années 70. Sans ses écrits, la droite française en serait toujours au stade des Bérets verts, le film très con de John Wayne, voire à celui d’un Chuck Norris, plus nul encore. Aussi empiriste que le vieux maître de Martigues, c’est grâce à lui que nous avons compris à ne pas confondre causes et effets. Explications : c’est bien de lutter contre l’immigration de masse, ce « Grand Remplacement » stigmatisé par un autre intellectuel, Renaud Camus. Mais c’est mieux de taper sur les véritables coupables, le club Le Siècle et le MEDEF, que sur les idiots utiles de l’extrême gauche.

    C’est encore lui qui a su théoriser ce que tant de gens ressentaient confusément. L’URSS était un concurrent, alors que l’ennemi de toujours demeure les USA. Qu’un centre commercial menaçait plus sûrement la civilisation chrétienne et l’âme française qu’une mosquée. Et que nombre de gens de droite se réfugient plus dans la réaction que la réflexion, persuadés qu’il est possible de défendre en même temps libéralisme économique et conservatisme moral, alors que le libre-échange des hommes et des marchandises conduit inévitablement au libre-échangisme des sexes. Comme quoi, un intellectuel qui pense peut aller plus loin qu’un clampin qui marche, précédé ou non d’une poussette…

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 17 juillet 2013)

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  • Les droits de l'homme, nouveau colonialisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque les droits de l'homme et la question de l'identité...

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    Les droits de l'homme, nouveau colonialisme ?

    L’Europe a rompu avec sa tradition colonisatrice pour ensuite verser dans un tiers-mondisme lacrymal. Aujourd’hui, à l’heure de la « repentance », on a l’impression que les néo-évangélistes des droits de l’homme ont remplacé les Pères blancs de jadis. Éternel retour ?

    Au XIXe siècle, la colonisation fut le fait de ceux qu’on a appelés les « trois M » : les militaires, les missionnaires et les marchands. Les marchands se sont souvent enrichis, ce qui n’a pas été le cas de l’État (la colonisation a toujours coûté plus cher à la métropole qu’elle ne lui a rapporté). Les missionnaires n’ont pas trop mal réussi, puisque les deux tiers des catholiques de la planète sont aujourd’hui des habitants du tiers monde. Les militaires livrent désormais des guerres d’agression rebaptisées « interventions humanitaires » ou « opérations de police internationale ». Quant à la repentance, elle devrait en toute logique être surtout pratiquée dans les milieux de gauche puisque, à l’époque de Jules Ferry, le colonialisme était clairement une idéologie de la gauche laïque : au nom de l’universalisme du progrès, il s’agissait d’aider les « races inférieures » à combler leur « retard » en les faisant accéder aux « révélations des Lumières ».

    Mais chacun sait bien que la colonisation peut revêtir des formes très diverses : politique, économique, technologique, culturelle, idéologique, etc. De ce point de vue, il n’y a aujourd’hui plus guère de pays qui puissent se dire indépendants. La colonisation, enfin, est un terme qui se rapporte en toute rigueur au peuplement, et non à la conquête. La France n’y a procédé qu’en deux occasions : en Algérie (avec conquête) et au Québec (sans conquête). Savez-vous qu’à l’apogée de l’Empire français, l’Algérie mise à part, il n’y a jamais eu plus de 500.000 Français vivant dans les colonies ? Aujourd’hui, les populations originaires de notre ancien empire colonial comptent en France plus de six millions de personnes, naturalisés compris, soit douze fois plus. Ce contraste numérique remet certaines choses en place.

    Dans votre livre « Au-delà des droits de l’homme », vous assurez qu’il ne s’agit que d’un néocolonialisme n’osant pas dire son nom. D’où, chez nous, cet amour de « l’Autre », porté aux nues dès lors qu’il cherche à nous ressembler, mais détestable lorsque persistant à revendiquer son propre modèle…

    Depuis qu’il s’est converti à l’universalisme, l’Occident a toujours regardé ses valeurs spécifiques comme des valeurs « universelles », qu’il se trouvait dès lors légitimé à imposer au monde entier. Dans le tiers monde, on a d’abord voulu faire adorer le « vrai Dieu » (unique, bien sûr), après quoi on a prétendu apporter la « civilisation », le « progrès », la « démocratie » et le « développement ». L’idéologie des droits de l’homme n’échappe pas à la règle. Alors qu’elle est historiquement et géographiquement parfaitement située, elle prétend chapitrer la planète au nom d’un homme abstrait, d’un homme de partout et de nulle part. Les États-Unis en sont tout naturellement les premiers champions puisque, pour eux, les Africains ne sont que des Occidentaux à la peau noire, et les Européens des populations américanisables parlant (provisoirement) une langue étrangère. C’est ce qui explique leurs déboires en politique internationale. Le monde ne sera compréhensible pour eux que lorsqu’il aura été totalement américanisé.

    C’est en raison de leur universalisme que les Occidentaux ont autant de mal à comprendre (et à admettre) l’altérité. Leur conviction profonde consiste à penser ou à croire que les différences entre les cultures et les peuples sont transitoires, secondaires, solubles dans le folklore ou franchement nuisibles. En d’autres termes, ils n’admettent « l’Autre » que dans la mesure où ils croient pouvoir démontrer que « l’Autre » est « comme tous les autres », c’est-à-dire qu’il est en fait le « Même ». Un certain égalitarisme, qui fait de l’égalité le synonyme de la « mêmeté », pousse dans ce sens. C’est une autre forme de racisme : faute de faire disparaître les différents, on dévalue les différences (entre les peuples comme entre les sexes) en les tenant pour illusoires ou négligeables. L’universalisme politique, la revendication d’un « droit à l’indifférence » et l’idéologie du genre confluent dans cette même aspiration à l’indifférenciation, qui n’est au fond qu’un désir de mort.

    Syndrome du shah d’Iran ou de Kemal Atatürk : obliger ses compatriotes à adopter une culture étrangère… Dans le même temps, nombre de Français sont quotidiennement confrontés à une présence de plus en plus massives d’immigrés de confession musulmane et de culture maghrébine. Comment conserver sa culture ?

    Je n’ignore bien sûr aucune des pathologies sociales nées de l’immigration. Mais je ne suis pas de ceux qui jettent de l’huile sur le feu ou prennent plaisir à souffler sur les braises en rêvant d’une guerre civile, pas plus que je ne suis de ceux qui, sans peur du paradoxe, reprochent aux immigrés de ne pas s’assimiler tout en déclarant hautement qu’ils sont inassimilables. Ce n’est certainement pas de la faute des immigrés si les Français « de souche » ne savent plus en quoi consiste leur identité et comment ils pourraient la transmettre. Pour le dire autrement, ce n’est pas tant dans l’identité des autres que je vois une menace pour la nôtre que dans le système à tuer les peuples qui les menace toutes. Notre identité serait tout aussi menacée s’il n’y avait pas d’immigration, parce que l’idéologie dominante de l’ère postmoderne, le capitalisme en tant que « fait social total » (Marcel Mauss) est intrinsèquement destructrice de toutes les identités collectives.

    Ce qui demeure, c’est un conflit de valeurs. Quand une musulmane déclare que le port du foulard islamique est une façon pour elle de préserver sa dignité de femme, alors que pour beaucoup d’Occidentaux ce même foulard est une atteinte à la dignité de la femme, il est clair que l’on est dans un dialogue de sourds. « L’Autre », c’est celui qui a des valeurs autres. Toute valeur ne vaut que par rapport à ce qui ne vaut pas. La différence entre les valeurs et les intérêts, c’est que les premières ne sont pas négociables.


    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 juillet 2013)

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  • Quand les socialistes défendaient le peuple...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la trahison par la gauche des idéaux du socialisme...

     

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    Quand les socialistes défendaient le peuple

    Vous venez de publier Édouard Berth ou le socialisme héroïque (Pardès). Pourquoi s’intéresser à un homme aussi peu connu ?

    Il est en fait bien connu de tous les historiens des idées, qui le considèrent en général comme le plus fidèle disciple de Georges Sorel, auteur des Réflexions sur la violence et des Illusions du progrès. Édouard Berth (1875-1939) a été l’un des principaux théoriciens du syndicalisme révolutionnaire, c’est-à-dire de cette branche du mouvement ouvrier qui, estimant que la classe ouvrière ne pouvait compter que sur elle-même pour instaurer la « société des producteurs », n’avait qu’hostilité pour les partis politiques et donnait la priorité à « l’action directe » (soit l’action sur les lieux de travail) développée par les syndicats. Ce sont les représentants les plus actifs de cette tendance révolutionnaire, Victor Griffuelhes et Émile Pouget, qui parvinrent, en octobre 1906, à faire adopter par la CGT la célèbre Charte d’Amiens que l’on considère aujourd’hui comme l’acte fondateur du syndicalisme français. Berth eut, par ailleurs, un itinéraire extrêmement original puisque, sans jamais abandonner ses convictions, il participa, à la veille de la Première Guerre mondiale, à l’aventure du Cercle Proudhon, où se rencontrèrent maurrassiens et syndicalistes révolutionnaires, puis s’enthousiasma vers 1920 pour la révolution russe, au point de collaborer régulièrement à la revue Clarté, fondée par Henri Barbusse. Revenu de son léninisme, il collabora jusqu’à sa mort à La Révolution prolétarienne de Pierre Monatte.

    Ce qui frappe, c’est aussi le contraste entre socialisme d’antan, tout entier voué à la défense de la classe ouvrière, et Parti socialiste actuel. Ce PS est-il encore socialiste ?

    En janvier 1905, le « règlement » de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) – Parti socialiste de l’époque – se présentait comme un « parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en société collectiviste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat ». Allez donc demander aujourd’hui aux travailleurs de PSA, de Florange ou d’ArcelorMittal ce qu’ils pensent du « socialisme » de Hollande !

    Qu’un dirigeant du PS, en l’occurrence Dominique Strauss-Kahn, ait pu être appelé à la direction du Fonds monétaire international (FMI) pour y mettre en œuvre la même politique que pratique aujourd’hui Christine Lagarde était déjà tout un symbole. Et maintenant ? Ni le mariage homosexuel, ni la légalisation du cannabis, ni la lutte pour la parité (sauf dans le mariage !), ni l’immigration incontrôlée, ni l’abolition des frontières, ni même la défense des « droits de l’homme » (dont Marx avait fait une critique impitoyable) ne sont évidemment des mesures « socialistes ». Ce sont des mesures libérales, censées répondre aux caprices et aux désirs individuels. Devenu un parti social-libéral – de plus en plus libéral et de moins en moins social –, le PS ne conçoit plus la société que comme une addition d’individus. C’est pour cela que le gouvernement actuel, privilégiant le sociétal au détriment du social, a choisi de faire diversion en cachant les cinq millions de chômeurs derrière le mariage pour tous.

    Le bilan social-défaitiste de François Hollande est évident dans tous les domaines. De l’abandon de toute réforme fiscale d’envergure à l’absence de politique industrielle, de la révision du Code du travail dans le sens exigé par le MEDEF au chantage à l’emploi pour faire baisser les salaires – tandis que ceux des grands patrons ne seront finalement pas « encadrés » –, sans oublier la loi sur la « sécurisation de l’emploi » (sic), qui a signé l’arrêt de mort du contrat à durée indéterminée (CDI), chaque jour qui passe administre la preuve de la totale soumission de François Hollande aux exigences de la finance.

    Rallié depuis au moins trente ans au système de l’argent, le PS est devenu un parti de fonctionnaires, de technocrates et de bobos ayant oublié le socialisme depuis belle lurette et ne s’intéressant qu’au « pourtoussisme », aux interventions « humanitaires » et à la défense des « victimes » sur le mode émotionnel et lacrymal. Ce n’est donc pas sur ses dirigeants qu’il faut compter pour expliquer que la crise actuelle est d’abord une crise du mode de production capitaliste, c’est-à-dire une crise généralisée de la logique de valorisation du capital, et moins encore pour tenter d’y remédier.

    Comment expliquer cette évolution ? Passer d’un Édouard Berth à un DSK…

    Ce qu’on appelle la « gauche » est né en France, à l’époque de l’affaire Dreyfus, de la fusion de deux courants totalement différents : une aspiration à la justice sociale portée par le mouvement ouvrier et une philosophie du progrès héritée des Lumières, que Sorel a justement définie comme fondamentalement bourgeoise. Le problème est que l’idéologie du progrès n’a que méfiance pour ce que Pasolini appelait la « force révolutionnaire du passé ». Or, le socialisme originel, s’il s’opposait bien entendu aux hiérarchies d’Ancien Régime, n’entendait nullement abolir les solidarités organiques traditionnelles ni s’attaquer aux fondements communautaires du lien social. Il contestait en revanche hautement l’idée libérale selon laquelle le marché, la logique de l’intérêt et le droit procédural suffiraient à faire tenir ensemble une société.

    Dès les années 1980, la gauche, sous couvert de se « moderniser », a commencé à s’adapter aux modèles libéraux. Elle a, de ce fait, abandonné les idéaux du socialisme. Il lui reste la métaphysique du progrès, qu’elle partage avec la droite libérale. Dans ces conditions, le libéralisme sociétal de la gauche rejoint tout naturellement le libéralisme économique de la droite. Être de gauche, désormais, c’est adhérer à la logique de « l’antiracisme » et de la « lutte-contre-toutes-les-discriminations » pour masquer le fait que l’on a cessé d’être anticapitaliste.

    Édouard Berth se faisait une idée « sublime » de la classe ouvrière, appelée selon lui à détruire le capitalisme bourgeois en reprenant à son compte les valeurs héroïques de l’Antiquité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la gauche actuelle n’a pas le même rapport au peuple…

    Le peuple et la gauche n’ont jamais été des notions équivalentes, comme on l’a vu lors des journées de juin 1848 et de la Commune de 1871, lorsque la gauche bourgeoise faisait tirer sur le peuple. Lisez le livre de Bertrand Rothé récemment paru aux Éditions du Seuil, De l’abandon au mépris, sous-titré Comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière. Le mot de mépris n’est pas exagéré. L’auteur explique très bien comment les élites du PS ont abandonné les ouvriers au nom de la modernité, et parfois aussi de la « préférence étrangère ». Éric Zemmour résume parfaitement la situation quand il écrit que « la gauche se croit aujourd’hui antilibérale alors que son obsession progressiste en fait la meilleure servante du marché », tandis que la droite s’imagine « défendre les valeurs traditionnelles alors que le marché, qu’elle admire, détruit ce qu’elle est censée défendre ». Le grand clivage actuel n’est plus celui qui oppose la droite et la gauche, mais celui qui oppose des classes populaires encore « territorialisées » à une nouvelle classe globalisée, engendrée elle-même par un néocapitalisme financiarisé et de plus en plus déterritorialisé. Cette nouvelle classe s’est formée sous l’effet d’une intensification des mobilités dans un climat marqué par la déréglementation des marchés et des innovations technologiques rétrécissant l’espace et le temps. Face à elle, la frustration des classes populaires, et celle des classes moyennes menacées de déclassement, pourrait bien devenir le moteur d’une nouvelle lutte des classes.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 juin 2013)

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  • Non à l'hégémonie de l'anglais d'aéroport !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la langue française et sa défense...


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    La une du 21 mai 2013 du quotidien collaborationniste Libération

     

     

    Non à l'hégémonie de l'anglais d'aéroport !

    Dans Mémoire vive, votre livre de mémoires paru l’an dernier, vous dites vous sentir « très profondément citoyen de la langue française ». C’est une métaphore à laquelle aurait pu souscrire Cioran, comme aujourd’hui Renaud Camus ou Richard Millet ?

    Et aussi Albert Camus, qui disait que la langue française était sa « patrie ». Le problème, c’est que le périmètre de cette « citoyenneté » se réduit actuellement comme peau de chagrin. Effondrement de l’orthographe, appauvrissement du lexique (Mitterrand utilisait deux fois plus de mots que Sarkozy), fautes gravissimes de grammaire et de syntaxe, disparition de fait du futur antérieur, dislocation de la forme interrogative (« T’es qui, toi ? »), tout cela a maintes fois été décrit. S’y ajoutent les expressions convenues d’une langue de bois mêlée de politiquement correct, où il n’est plus question, par exemple, que de « soutenabilité » et de « traçabilité », d’« images difficiles » enregistrées dans les « cités sensibles », de « cellules d’aide psychologique » permettant de « reconstruire » son « ressenti » par une « démarche citoyenne » consistant à « acter des principes » et à « poser des actes forts » pour retrouver ses « fondamentaux ». Ce fatras de langue de bois et d’euphémismes niais engendre des mantras propagés par Internet, les SMS et les textos, que répètent en boucle les bulletins paroissiaux de la bien-pensance quotidienne (Le Monde, Libération, etc.). Ceux qui prétendent défendre l’identité de la France ne sont malheureusement pas les derniers à en maltraiter la langue, comme en témoignent les commentaires hirsutes que l’on retrouve sur presque tous les blogs.

    Mais il y a aussi le détournement de sens de certains mots, qui évoque la novlangue orwellienne. Michèle Delaunay, ministre des Personnes âgées, a décidé tout récemment que pour évoquer la « dépendance », les textes officiels ne parleront plus désormais que d’« autonomie », terme qui dit exactement le contraire. La « diversité » légitimait déjà toutes sortes d’hybridations dont le seul effet sera de réduire les différences. La « gouvernance » désigne pudiquement une façon de gouverner sans le peuple (le 17 avril dernier, François Hollande appelait à « renforcer la gouvernance mondiale »). La « présomption d’innocence » n’est plus elle-même employée que par antiphrase puisque, si l’on est mis en examen (on disait autrefois inculpé), c’est que l’on est au contraire suspecté d’être coupable. N’oublions pas non plus la « lutte-contre-toutes-les-discriminations », formule qui ne veut strictement rien dire, mais qui tend aujourd’hui à se substituer à tous les programmes politiques…

    La langue française est le fruit d’une histoire commune, mais aussi le produit d’innombrables ajouts, ceux de l’argot d’autrefois, de la « langue des cités » aujourd’hui. Faut-il tout prendre en bloc ? Ou, sinon, comment faire le tri ?

    Je ne suis pas hostile aux néologismes, et je préfère assurément la langue de Villon ou de Rabelais à celle de l’Académie (« Enfin Malherbe vint… »). Mais les nouveautés doivent sortir de l’usage, c’est-à-dire de la langue populaire. Ce qui est insupportable, c’est le vocabulaire imposé d’en haut, pour des raisons relevant du politiquement correct, tels ces vocables féminisés inventés de toutes pièces pour satisfaire aux exigences de la « parité » : « auteure », « professeure », « écrivaine » – en attendant « dictateure, » sans doute.

    Sont également insupportables les emplois d’un mot pour un autre, souvent sous l’influence de l’anglais. En français, le mot « initier » signifie conférer une initiation, et non commencer ou débuter, privilège de l’anglais to initiate. En français, on dit « chargé de » et non « en charge de » (in charge of). On dit aussi « décennie », et non « décade », qui signifie « dix jours ». « Supporter » (les supporters du PSG) ne veut pas dire soutenir, mais endurer ou subir patiemment. J’entends partout dire aujourd’hui qu’on « se revendique » de ceci ou de cela. Or, dans la langue française, on revendique mais on ne se revendique pas : on se réclame. Plus récemment est également apparue l’habitude ridicule d’employer le mot « réfuter » à la place de « démentir », dont le sens est tout différent. Démentir, c’est simplement contredire ou nier. Réfuter, c’est recourir à une démonstration permettant de prouver la fausseté d’une assertion ou d’une proposition. Bernard Cahuzac, accusé de fraude fiscale, n’a rien réfuté du tout. Il a démenti !

    Depuis peu, l’anglais a supplanté le français au sein de l’Union européenne en tant que langue internationale… Un renoncement linguistique peut-il précéder une défaite géopolitique ?

    Il faudrait plutôt dire que ce sont les défaites géopolitiques qui entraînent les défaites linguistiques. L’anglais progresse au détriment du français parce que les États-Unis restent actuellement plus puissants que ne le sont les pays européens, lesquels acceptent que soit consacrée comme langue internationale une langue qui n’est celle d’aucun des pays de l’Europe continentale. La soumission des uns renforce la puissance des autres. D’où cette hégémonie de « l’anglais d’aéroport » qui fait partout reculer la diversité linguistique, c’est-à-dire aussi la diversité de pensée. La plus grande erreur que l’on puisse faire est, en effet, de croire que les langues ne sont qu’un moyen de communication. Elles correspondent en réalité à autant de façons différentes de penser. Je parle à peu près quatre ou cinq langues, mais si je pense la même chose dans chacune de ces langues, je ne la pense pas de la même manière. Il est révélateur que le linguiste Claude Hagège, ancien professeur au Collège de France, ait intitulé Contre la pensée unique son dernier livre, qui se veut précisément une contestation de l’imposition à l’échelle mondiale d’une langue dominante unique.

    Au moment où la langue française est plus menacée que jamais, même Yamina Benguigui, pourtant statutairement chargée de la défendre, ne dit rien… Serait-ce à désespérer ?

    Yamina Benguigui, qui n’est pas une femme dénuée de talent, a probablement fort à faire. Membre du Siècle, marraine de la Bibliothèque sans frontières, adjointe à la mairie de Paris « en charge des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations », fondatrice avec Marc Ladreit de Lacharrière d’une société de production (Elemiah) dont l’objectif est de « favoriser la représentation des minorités à la télévision et au cinéma », elle n’a visiblement plus beaucoup de temps à consacrer à ses fonctions de ministre délégué à la Francophonie. De passage à New York en septembre dernier, elle avait indiqué vouloir promouvoir une « langue égalitaire et solidaire, débarrassée des oripeaux du colonialisme ». Il faudrait lui demander si c’est de la langue française qu’elle voulait parler.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mai 2013)

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  • Les snipers de la semaine... (63)

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    - sur le Blog Eléménts, Pierre Le Vigan mouche Stéphane Troussel, président socialiste du Conseil général de Seine-Saint-Denis pour sa réaction délirante aux propos de Marine Le Pen sur les "grands ensembles"...

    Et si Marine Le Pen avait raison: détruisons les tours pour faire des cités-jardins écologiques

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    - sur Boulevard Voltaire, Nicolas Gauthier dézingue Berlusconi, cataclysme culturel à lui tout seul au travers de ses chaînes de télévision...

    Le pire chez Berlusconi : son fric, ses partouzes ou sa télé ?

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